L’agroécologie entre à la FAO

CARI 17.11.2014

Le premier symposium international sur l’agroécologie s’est tenu à la FAO le 18 et 19 septembre en présence de plus de 350 participants venus d’une trentaine de pays. Rassemblés sur un agenda fourni d’interventions de scientifiques autant sur les approches techniques, les points de vues économiques et les aspects sociaux, les travaux ont d’abord permis de faire un panorama de l’agroécologie telle qu’elle est conçue et pratiquée dans le monde . Divers éclairages sur des cas concrets et des études scientifiques ont permis de mettre en avant les son articulation avec les processus sociaux et les facteurs écologiques ainsi qu’avec les liens qu’elle entretenait avec l’énergie, les systèmes alimentaires, l’eau ou la résilience.

Des exemples pratiques de nombreux pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine et portées par des organisations d’agriculteurs, des organisations de la société civile, des chercheurs ont démontré toute la richesse des approches et pratiques agroécologiques en mettant l’accent sur leur caractère toujours contextuel et la non existence d’un modèle unique que l’on pourrait reproduire partout. Ceci constituant une différence majeure par rapport au modèle de la révolution verte. Le constat d’un important corpus de pratiques a mis en évidence un vrai retard de la science qui n’a pas développé les travaux suffisants pour valider ou caractériser l’agroécologie. Par exemple la prise en compte des savoirs traditionnels qui y étaient attachés. Quelques chercheurs impliqués de longue date sur l’agroécologie comme Miguel Altieri (Berkeley), Stephen Gliesman (U.California), Pablo Tittonell ( Wageningen) ou Irene Cardoso (Viçosa) ont toutefois permis de réaffirmer les bases conceptuelles. Mais aussi démontré un important gisement de valeurs ajoutées en termes de conservation de la biodiversité et de la fertilité, conservation des eaux et du sol, séquestration du carbone, de santé, de création de revenus et lutte contre la pauvreté.

L’agroécologie ainsi présentée et illustrée par des cas concrets apparaît comme ayant des avantages en termes d’environnement, mais aussi en termes de productivité et d’adaptation au changement climatique.

A propos de la recherche, Etienne Hazelin du CIRAD a estimé que « l’agroécologie est une rupture avec l’agriculture conventionnelle dans la mesure où elle cherche à utiliser les services fournis par les écosystèmes, ce que ne fait pas le premier. » en ajoutant « l’agriculture conventionnelle repose sur une simplification des agrosystèmes ( dégradation) alors que l’agroécologie repose sur la complexification (aggradation ) », ce qui « ouvre de nouvelle questions de recherche et sans doute une refondation de l’agronomie » ; enfin a-t-il ajouté le « CIRAD a décidé que toute recherche doit se faire en contact avec les agriculteurs »

Irene Cardoso, se basant sur l’exemple du Brésil a retracé l’émergence de l’agroécologie dans ce pays à partir des années 1970 par des acteurs inspirés par la théologie de la libération via divers mouvements sociaux ; Elle a évoqué la prise ne compte de l’agroécologie par la recherche agricole officielle (Empraba ) du pays. Tout en défendant la nécessité de politiques publiques, elle a insisté sur la voie du partage des connaissances de paysan à paysan afin de favoriser leur autonomie visant l’accès aux facteurs de production. Elle a dénoncé le fait qu’au Brésil ceux-ci sont encore majoritairement aux mains des gros producteurs malgré le fait que 85 % de la nourriture des brésiliens provienne des 25 % de la surface agricole cultivée par les petits agriculteurs. Elle a rappelé toutefois que le programme « zéro faim » avait permis de sortir plus de 30 millions de personne de la pauvreté.

Paul Mapfumo de l’université du Zimbabwe a reconnu que la science a souvent négligé l’approche système et que la participation des agriculteurs enrichit la connaissance de manière significative.

Gaetan Vanloqueren a regretté qu’il y ait peu de travaux sur le lien entre agroécologie et emploi. Tout en mentionnant que divers principes tels que la production de connaissances, le renforcement de l’autonomie des producteurs, le renforcement de l’équité sociale, le renforcement de la démocratie, le renforcement du lien social générés par l’agroécologie avaient un impact favorable sur l’emploi. Il a estimé que l’économie n’était pas un bon cadre pour évaluer l’agroécologie, mais que celle-ci devait être faite à partir d’une approche muli-critères.

Plus de 70 posters proposés par les participants étaient installés dans le hall de l’institution dédié à l’année Internationale de l’agriculture familiale.

Un segment de haut niveau en faveur de l’agroécologie
Un segment de haut niveau comprenant entres autres le directeur général de la FAO Mr José Graziano da Silva, plusieurs ministres de l’agriculture dont Mr Le Foll ( France), Mr Papa Abdoulaye Seck ( Sénégal) ou Luis felipe Arauz-Vavalli (Costa Rica) et deux interventions par vidéo conférence ont conclu la rencontre. L’on retiendra en particulier la déclaration de Mr Graziano estimant « que nous n’avons pas besoin des OGM pour lutter contre la faim et assurer la sécurité alimentaire et que l’agroécologie offre un potentiel à explorer » ou que « nous allons organiser des conférences régionales en Afrique, en Asie et en Amérique latine pour poursuivre le dialogue sur ce sujet » .

« Nous devons raisonner à l’échelle du monde, à un moment où les ressources se raréfient et commandent des modes de production plus durables, mais aussi à un moment où nous devons faire face à la perspective de nourrir 9 mds d’individus à échéance 2050 » a indiqué S. LE FOLL en rappelant l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture en France.

Quant au Ministre de l’Algérie il a souligné la proximité de l’agriculture oasienne avec l’agroécologie en insistant sur les pratiques traditionnelles.

Une levée de boucliers contre la Climate Smart Agriculture

Contestation de l’AGCSA : à trois jours du somme de Banki Moon à New York sur la changement climatique et du lancement d’une Alliance Globale sur la Climate Smart Agriculture, de nombreux agroécologistes et leurs mouvements se sont mobilisés pour contester cette approche. Cette appellation, progressivement montée en puissance lors des sommets intergouvernementaux et climat (Cancun, Durban, Doha, Rio…) à travers les « agriculture days » et mentionnée aussi par la FAO, demeure à ce stade un concept très vague. Divers indices démontrent toutefois qu’elle promeut de manière masquée les intérêts de l’agrobusiness avec les fausses solutions et choix techniques qui la caractérisent. En effet suite à des discussions opaques, une vingtaine de pays et une trentaine de compagnies privées ont décidé de lancer l’initiative d’alliance globale qui entend s’appuyer sur le modèle conventionnel de la Révolution Verte voire les technologies d’organismes génétiquement modifiées. La Révolution Verte ayant démontré son incapacité à résoudre de manière significative et durable les crises alimentaires et responsable avérée de pollutions, de problèmes de santé, d’accaparement des facteurs de production et finalement d’insécurité alimentaire, il est urgent de changer de paradigme.

Sous la houlette de Coordination Sud, les ONG françaises ont alerté le Président de la République française en demandant que la France ne soit pas partie prenante de cette alliance. A Rome elles ont pris l’initiative d’organiser une entrevue société civile et FAO sur ce sujet, en formulant la même demande. Si les réponses n’ont pas été directement favorables, les préoccupations semblaient toutefois partagées.

Les scientifiques mobilisés
Une lettre signée par 250 scientifiques de par le monde a été adressée à la FAO et aux autres organisateurs du symposium sur l’agroécologie rappelant que les enjeux étaient loin d’une seule intensification de la production ou la mis en culture de plus vastes espaces, mais qu’ils recouvraient aussi un ensemble d’autres objectifs comme la souveraineté alimentaire, l’accès à la nourriture et aux facteurs de production, dont la réalisation ne pouvait se faire sans les caractéristiques revendiquées par l’agrécologie à savoir le recours à « la science, un ensemble de pratiques, et un mouvement social pour une justice procédurale et distributive » . Les scientifiques insistent dans leur courrier sur l’illusion que représentent les concepts insuffisants de Climate Smart Agriculture ou Intensification écologique pour répondre aux défis car il s’agit de satisfaire une exigence de « droits des peuples de définir et décider et de façonner leurs propres systèmes alimentaires dans leurs localités, de leur maximum praticable, avec un maximum de participation possible » .

La lettre demande à ce que l’agroécologie soit désormais partie permanenté aux dialogues du comité sur la sécurité alimentaire. Elle appelle à ce que les Nations Unies lancent une large initiative sur l’agroécologie comme stratégie centrale pour faire face au changement climatique et construire la résilience face aux crises de l’eau : une initiative centrée sur les questions sociales, culturelle et de souveraineté alimentaire dans les système alimentaires. Ce point a été repris comme un engagement à suivre par le Directeur Général de la FAO dans son discours de clôture.

Présence de Drynet et de RADDO

Un ensemble d’organisations non gouvernementales impliquées ou favorables à l’agroécologie on participé au symposium et proposé des posters. Le Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis (RADDO) était représenté par Patrice Burger (CARI) ; ce dernier représentait aussi le réseau International sur les terres arides Drynet dont il assure la présidence.

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